De Berlin à Hawaï, en passant par les déserts de Burning man et les rues de Miami, ses sculptures impressionnantes mettant en scène des animaux dans des scènes typiquement humaines ont su captiver l’intérêt de plusieurs.
Entre deux vols autour du globe, Laurence Vallières a fait un court arrêt à son studio de Montréal durant lequel nous avons eu la chance de découvrir l’univers animalier de l’artiste.
Au fond d’un immense entrepôt manufacturier, on y découvre ses oeuvres et des piles de bouts de carton en attente d’être travaillés qui se mêlent à quelques figurines et sculptures d’argile.
Dis-nous, d’où te vient cet intérêt pour l’art et quand as-tu décidé d’en faire ton métier?
Étant plus jeune, j’ai toujours aimé les cours d’art. Lorsqu’est venu le temps de m’inscrire au CÉGEP, j’ai appliqué en Sciences humaines pour rassurer mes parents, mais ça a duré seulement une session. Après avoir visité les ateliers d’art, j’ai capoté. C’était simplement de grands espaces blancs, mais j’ai su tout de suite que c’était ça que je voulais faire. J’ai ensuite poursuivi avec un baccalauréat en art et je me suis lancée.
Qui sont les artistes qui t’ont inspirés dès un jeune âge?
J’ai toujours beaucoup été impressionnée par les sculpteurs, comme Antony Gormley, Louise Bourgeois et Andy Goldsworthy, par exemple. Ce dernier fait plus des installations que de la sculpture, mais ce qu’il fait est fabuleux. C’est très poétique, je trouve.
Tes sculptures prennent souvent la forme d’animaux. Qu’est-ce qui t’attire particulièrement envers ce sujet?
La littérature satirique qui traitent d’anthropomorphisme a beaucoup inspiré la création de mes oeuvres, plus particulièrement Maus de Art Spiegelman et La ferme des animaux de George Orwell. Je trouvais ça très intéressant qu’ils utilisent des animaux pour discuter de situations politiques et c’est un peu ça que je tente de faire avec mon art. J’aimais l’idée de représenter des situations typiquement humaines, qu’elles soient politiques, environnementales ou sociales, à travers des animaux.
Tu es reconnue pour tes œuvres faites de carton. Pourquoi as-tu choisi ce matériau?
C’est drôle parce que j’ai d’abord étudié en céramique, c’est l’argile qui m’intéressait plus. Lorsque j’ai fait ma première exposition, l’endroit était vraiment grand et j’avais peur que ce ne soit pas assez rempli. Alors, je voulais faire une très grosse oeuvre à positionner au milieu de la pièce et l’argile ne se prêtait pas trop aux dimensions que je voulais y donner. Le carton était alors la meilleure alternative. C’est un médium abondant et peu coûteux avec lequel tu peux faire des pièces vraiment immenses. Comme ça sortait de l’ordinaire et que le format était assez impressionnant, les gens ont tout de suite accroché. Ça a pris rapidement en popularité, alors j’ai poursuivi dans cette voie.
Peux-tu nous expliquer un peu ta démarche artistique et les différentes étapes dans la création de tes sculptures en carton?
Avant, je sculptais mon oeuvre en argile d’abord et, ensuite je la reproduisais en plus gros format en carton. Ou encore, je m’inspirais de petites figurines que je trouve en magasin. Maintenant, je n’ai plus vraiment besoin de formats réduits sur lequel me référer.
Aussi, avant, mes oeuvres étaient complètement en carton. Maintenant, j’utilise beaucoup le bois comme matériau de soutien à l’intérieur. C’est plus stable et ça dure plus longtemps, en plus de me permettre de faire des oeuvres un peu plus aériennes.
Pour ce qui est de mon processus conceptuel, je décide souvent le sujet de mes oeuvres sur place ou selon la thématique de l’événement auquel je participe. Par exemple, à Pow Wow Hawaii, j’ai fait un gecko, comme on en trouve beaucoup là-bas. Sinon, à Art Basel Miami, j’ai fait des orignaux, comme la thématique de l’exposition de Juxtapoz Clubhouse était très canadienne, avec les oeuvres assez patriotiques de Whatisadam, entre autres.
Ton art t’amène à voyager beaucoup, quel est ton lieu de prédilection pour créer?
J’aime bien l’Allemagne. J’y retourne tout le temps. C’est un des seuls pays, autre que le Canada, où je me verrais vivre.
La majorité de tes œuvres sont exposées en galeries, mais plusieurs apparaissent également à l’extérieur, comme à l’occasion du Festival Mural. Qu’est-ce qui t’attire dans la création d’art public? Est-ce qu’on peut espérer voir plus de tes œuvres à l’extérieur dans le futur?
J’ai toujours eu une fascination pour l’art urbain. Comme pour beaucoup, Banksy a été une grande inspiration. J’aimais bien les messages politiques et satiriques derrière ses oeuvres, c’est drôle et intelligent à la fois.
Je n’ai jamais fait de graffitis ou de murales, mais j’ai déjà fait des sculptures de ciment que j’allais porter incognito dans les rues, aux bords des fenêtres ou sur les poteaux de téléphones. C’était ma forme d’art public. Ça faisait changement en même temps de retrouver une petite gargouille verte, plutôt qu’un gros tag.
J’aimerais ça faire plus d’art urbain, mais le carton, ça ne se prête pas trop à ça. C’est assez éphémère, mais c’est ça les contraintes d’utiliser du carton comme matériau principal. Aujourd’hui, j’aimerais beaucoup travailler avec la ville pour créer des oeuvres plus permanentes à la Jeff Koons.
Sur quels projets travaille-tu en ce moment?
Je m’en vais en Chine dans quelques jours, faire une exposition avec Yoho Magazine. C’est encore très flou pour moi, je ne suis jamais allée, j’ai hâte de voir comment ça va se dérouler. Ensuite, j’ai Crush Festival à Denver, une sculpture à faire au Maroc, puis Pow Wow à Lancaster en Octobre. J’espère aussi avoir la chance d’encore participé au Festival Mural cette année. J’ai beaucoup de pain sur le planche, au final!