À l’occasion de la Virée des ateliers, le duo de vétérans 123klan a ouvert ses portes au public et notre équipe en a profité pour aller rencontrer ces légendes du milieu du street art. En mettant le pied dans leur studio, on apprécie tout de suite la diversité des médiums utilisés. Leur art n’a vraiment aucune limite.

 

Dans le milieu depuis plus d’une vingtaine d’années, Scien et Klor déclinent leur style particulier, mixant l’art du graffiti et celui du design graphique, sous toutes sortes de canevas : toiles, skateboards, vêtements, chaussures, jouets, etc. Cette année, à l’occasion du festival Mural, c’est sur un autobus de la STM que le style unique du duo a été transposé, avec la thématique “Alouettes”.

Vous faites du graffiti, du graphisme, des illustrations, vous avez aussi créé votre propre marque de streetwear, ainsi qu’un studio créatif. Comment définissez vous 123KLAN en quelques mots?

Notre motto, “Style is the message”, c’est le point de départ. Le vectoriel est un outil. Tout est un outil pour déployer ce style. Que ce soit sous forme de graffiti, de graphisme ou autre, le point de départ c’est notre style, c’est ce qui unit tout ce qu’on fait. Le médium n’est qu’un outil, il ne faut pas l’oublier. C’est la création avant tout.

 

On peut retrouver vos oeuvres sur des toiles, des murs, des vêtements, des skateboards, des affiches, des stickers, des pins et plus. Avez-vous un médium favori ou, pour vous, tous les moyens sont bons pour arriver à vos fins?

Dès qu’on peut mettre notre image quelque part, on le fait. Par exemple, quand on a emménagé, on avait besoin d’assiettes et on en trouvait pas qu’on aimait, alors on en a fait nous-mêmes. On réponds à notre propre besoin au final. L’avantage du vectoriel sur la canette, c’est que ça peut aller sur tout.

 

Est-ce qu’il y a un médium que vous n’avez pas encore testé, mais que vous aimeriez essayer?

Un avion!

 

Votre style mélange graffiti et graphisme, qu’est-ce qui vous a poussé à utiliser le design graphique pour amener votre pratique à un autre niveau?

Dans les années 1990, on était pas mal les premiers à faire ce mélange. On a vraiment utilisé Illustrator comme un outil pour développer notre style. C’était nouveau et ça avait l’avantage de permettre de faire des oeuvres énormes avec un design tout petit. On peut renverser les échelles de valeurs avec cet outil et faire des choses qu’à l’époque on ne pouvait pas faire avec la canette. Aussi, à l’époque, le graffiti n’était pas aussi populaire qu’aujourd’hui, alors travailler avec du vectoriel, ça paraissait tout de suite beaucoup plus propre.

 

En même temps, le point commun entre le graffiti et le graphisme, c’est que quand tu fais du graffiti sur un mur, t’es en train de mettre en page des éléments sur un espace donné. On joue donc avec des couleurs, des typos, des compositions, dans les deux cas. Et puis, les compositions graphiques nous inspiraient. Le graffiti, c’est la même chose, mais poussé à un niveau de liberté qui est extrême.

 

 

Après avoir collaborer avec certaines grandes marques internationales du streetwear, telles que Nike, Stussy, Adidas ou Vans, vous avez créé votre propre marque, Bandit-1$m. Qu’est-ce qui vous a poussé à voler de vos propres ailes dans ce milieu?

Il y a plusieurs années, il n’y avait pas encore de magasins comme Urban Outfitters, il fallait nous créer notre propre look. On a commencé à personnaliser nos t-shirts blancs et nos vestes Levi’s, on y ajoutait des graffitis.

 

On a toujours fait du streetwear. C’est un style que notre génération s’est créé et ça a fini par influencer certaines des plus grandes marques au monde qui existent depuis plusieurs dizaines d’années.

 

Du coup, on s’est dit qu’il fallait que l’on crée une marque à notre image, qui serait encore plus personnelle que nos créations qui naissent de collaborations. Même si celles-ci nous ont donné beaucoup de liberté, le désavantage de créer avec d’autres marques c’est que tu crées quelque chose qui ne prendra peut-être forme que dans 2 ans. Ça peut sonner égoïste, mais tout ce qu’on fait, on le fait pour nous. Alors, si je crée des designs pour des vêtements, c’est que j’ai envie de les porter maintenant.

 

Et puis, notre marque est complètement indépendante, alors on peut se permettre d’afficher vraiment ce que l’on veut sur nos t-shirts. La liberté, ça n’a pas de prix.

 

 

Aimez-vous encore faire des collaborations avec des marques ou vous préférez garder votre indépendance et une liberté totale de création?

C’est sur que si on travaille pour Nike, c’est Just do it, ou Vans, ce sera Off the Wall, par exemple. C’est normal, on doit s’adapter. En fait, les marques font affaires avec nous pour notre approche graphique. Alors que quand c’est pour notre propre marque, on travaille le concept de A à Z, mais on va tout de même continuer à travailler avec d’autres marques. Ce qu’ils veulent voir c’est notre style adapté à leurs besoins.

 

Vous êtes un duo artistique hyper productif et êtes également en couple. Comment se déroule le processus de création quand vous travaillez ensemble?

C’est simple, il n’y a rien qui sort d’ici sans que ça ne soit validé par nous deux. Il y a un moment dans la création durant lequel on se pose la question et si ça va des deux côtés, on poursuit.

 

Comme c’est des fichiers vectoriels, c’est plutôt facile à travailler à deux, aussi. Même sur un mur, ça fait maintenant 25 ans qu’on travaille ensemble, on est habitué. Il faut nous voir peindre pour comprendre le processus. On ne se parle pas vraiment. On n’a plus besoin de se dire quoi faire.

 

Même lorsqu’on travaille avec nos enfants, comme on l’a fait à plusieurs reprises, on n’a plus vraiment besoin de les encadrer. Chacun sait où il doit être et ce qu’il doit faire. En fait, la première collaboration qu’on a fait avec nos enfants, ce devait être à Pow! Wow!, alors qu’ils avaient environ 12 ans. À l’époque, on ne voulait pas qu’ils s’ennuient pendant qu’on travaillait, alors on a décidé d’intégrer leurs dessins à la murale qu’on créait. Ils ont donc participé à la direction artistique, aux choix des couleurs, etc. Ils n’ont jamais arrêté depuis.

 

Votre esthétique rappelle le langage de la propagande et de la publicité et vous avez tendance à multiplier les médiums et les reproductions. Est-ce que vous vous considérez comme des artistes pop?

C’est le côté graffiti, impact, short, punchy au niveau des couleurs, des messages et notre côté français avec une touche d’ironie. Notre marque s’appelle Banditism parce qu’on fait de l’argent sur le graffiti writing qui est considéré comme un crime et faire de l’argent sur un crime c’est du banditisme, mais c’est très sarcastique.

 

Je crois qu’il n’y a rien de mal à vivre de son art. Pourquoi est-ce qu’on ne devrait pas faire d’argent avec notre art? Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas produire selon ce qui est plus accessible aux gens aussi? Par exemple, des posters, c’est plus accessibles qu’une toile. Je ne penses pas que ça enlève quoi que ce soit à notre authenticité.

 

Quels sont les prochains projets et défis qui vous attendent?

On a pas vraiment de plan. En fait, l’objectif est toujours de rester le plus libre possible. Dans un monde parfait, on vivrait de notre art à 100%. Ça, c’est le rêve, que ce soit grâce à notre marque ou en vendant des toiles et continuant à faire du graffiti. Après, on ne peut pas vraiment se plaindre. On est très bien respecté en tant qu’artiste, les affaires vont bien et on reste assez libres dans ce qu’on fait. On y va au jour le jour, au final.