À l’approche du P’tit Fest du Nord 2018, notre équipe est allée à la rencontre de l’artiste Benny Wilding qui créera une murale permanente dans la ville cette année.

Situé sur le Plateau, son atelier qu’il partageait avec le défunt artiste montréalais, Scaner, prends des allures de lieu culte. Comme en témoignent ses murs extérieurs et ses portes remplis de graffitis, l’atelier a vu passé de nombreux artistes visuels, graffeurs et muralistes entre ses portes où ils y ont laissé leur marque.

Aménagé dans une ancienne usine à papier, l’atelier de Benny Wilding est un véritable terrain de jeux pour lui et son nouveau colocataire, Stare, muraliste à MURAL cette année. Toutes sortes d’outils et médiums différents sont à leur disposition, de la classique canette de peinture, en passant par les outils pour travailler le ciment ou encore pour plier du métal.

Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours en tant qu’artiste?

Mon intérêt pour l’art s’est développé à un très jeune âge, mais je ne savais pas trop quelle voie prendre. Lorsque j’étais tout jeune, j’ai fait un voyage à New York où la scène du graffiti était en pleine croissance et j’ai su tout de suite que c’était ça ma voie. J’ai alors commencé à en faire à mon retour à Montréal, alors que ce n’était encore pas très évolué ici. J’en ai fait comme ça pendant 15 à 20 ans. Je n’ai jamais été à l’école des arts, j’ai tout appris par moi-même.

C’est mon ami Scaner qui m’a inspiré à faire le saut vers l’art, parce qu’il l’avait fait avant moi. On avait commencé à faire du graffiti à peu près au même moment, on se tenait avec les mêmes personnes. Au départ, je n’y croyais pas vraiment à l’idée de pouvoir vivre de son art. Pendant des années, il faisait des contrats de retouche de peinture dans des bars et des restaurants. Il avait donc un vaste réseau de contacts. Ses contacts ont su un moment donné qu’il faisait du graffiti, alors il lui ont proposé de faire quelque chose de plus artistique plutôt que de simplement repeindre en blanc, par exemple. Quand il a vu que la demande était forte, il est venu me voir tout de suite pour me prendre sous son aile. À ce moment-là, je travaillais comme acheteur dans un bureau. J’y croyais pas du tout au départ, c’est vraiment grâce à lui si j’ai fait la transition.

Ensuite, pour ce qui est de mon travail en tant qu’artiste-muraliste, tout a commencé avec le festival MURAL. Avant ça, je ne faisais vraiment que du graffiti, je n’avais pas encore explorer d’autres styles et médiums. On m’avait à la base approché pour faire une oeuvre vraiment dans mon style de graffiti. Puis, je leur ai montré quelques trucs sur lesquels je travaillais dans mes temps libres et ils ont vraiment accroché. C’est ça qui a fait que j’ai commencé à faire des murales et des peintures.

Quelle est ta position face à la création d’oeuvres d’art dans la rue versus en galeries?

Ce qui m’a amené vers la peinture c’est vraiment le graffiti. Souvent, mes contrats m’impose des sujets ou des thèmes. Tandis que quand je fais du graffiti, je n’ai pas de contraintes, je fais exactement ce que j’ai en tête.

Si je pouvais, je ne ferais que ça, mais le graffiti m’a permi de découvrir le milieu artistique au sens large. J’ai aussi l’impression que le fait de ne pas avoir étudier les arts fait que je suis intéressé à apprendre à utiliser tous les types de médium. En ce moment, je fais des lettrages inspirés du graffiti en travaillant du métal. Je suis toujours en train d’apprendre. J’ai passé beaucoup d’années à être bloqué et à me limiter au graffiti seulement, et même à un style particulier de graffiti, maintenant j’ai le goût d’explorer davantage et de faire des trucs nouveaux.

Grâce aussi au Festival MURAL qui a apporté tellement de styles d’art différents à Montréal, ça m’a ouvert les yeux sur d’autres possibilités. Alors, ce studio, quand je ne suis pas en train de créer dans les rues, il me sert à expérimenter d’autres médiums, comme la sculpture ou les tableaux.

 

Qui sont les artistes qui t’ont inspiré dès un jeune âge?

J’ai davantage été inspiré par le mouvement que par une signature visuelle particulière. À l’époque, c’était encore très marginal et je trouve ça admirable que ces gens-là y aient cru et aient fait grandir ce mouvement au point où il en est aujourd’hui, plus accepté, plus recherché. J’admire beaucoup les artistes new-yorkais de l’époque qui, même s’il n’y avait pas moyen de vivre du graffiti, continuaient à en faire et à repousser les limites juste pour l’amour de cette forme d’art.

Je penses à des artistes comme Skeme, Duster, Dash, FC, etc. Même à Montréal, il y avait des artistes assez impressionnants, comme Stake, Cast et Sike, qui m’ont inspiré à poursuivre dans cette voie. Ce sont tous des gens qui ont pavé la voie pour nous. Grâce à eux, c’est moins fou de nos jours de penser à faire ça de sa vie et d’investir autant de temps là-dedans qu’il y a 20 ans.

Peux-tu nous en dire plus sur tes inspirations et l’univers qui entoure tes œuvres?

J’aime beaucoup le pop-art. Les maîtres comme Roy Lichtenstein, Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat m’ont beaucoup influencé. Mon art graffiti s’inspire aussi beaucoup du graffiti de New-York des années 90. On retrouve aussi plusieurs références aux images avec lesquelles j’ai grandi pendant mon enfance, surtout celles de la télévision américaine de l’époque.

Peux-tu nous expliquer un peu ta démarche artistique et les différentes étapes dans la création de tes œuvres?

Comme je disais, je n’ai pas été à l’école pour apprendre à créer de l’art. Donc, ma démarche n’est pas conventionnelle. J’ai appris à peindre par moi-même.

Ça commence toujours par une recherche d’images. Que ce soit sur internet ou dans les rues, ici ou en voyage, je reste toujours à l’affût d’images, de lettrage, de logos et autres qui sortent du lot. J’aime dénicher des visuels qui sont peu connus ou que la majorité des gens ne remarquent pas. J’essaie d’utiliser des personnages plus obscures et vintages, qui n’ont pas encore été utilisés sur la scène du graffiti.

Par exemple, à Under Pressure, il y a quelques semaines, moi et 2 de mes amis ont a fait une murale collaborative dans laquelle on a ramené les personnages de Wacky Races, qui est une émission qui jouait dans les années 70 et 80. Une émission que même moi je n’ai jamais écouté, parce que j’étais trop jeune, mais dont les personnages nous inspiraient.

Après, je n’ai pas vraiment d’étapes que je répète d’un projet à l’autre. J’y vais un peu de manière spontanée, selon ce que je penses qui va faire beau. Une fois que j’ai mes images de référence, je suis prêt à me lancer.

Je n’invente rien du côté images, c’est plutôt au niveau lettrage que je crée quelque chose de toute pièce. Donc, les images viennent davantage complémenter mon graffiti, même si ça attire un peu moins l’attention en général.

Tu créeras bientôt une murale pour la Ville de Saint-Jérôme à l’occasion du P’tit Fest du Nord, en plus de créer un t-shirt pour le festival. Est-ce que tu peux nous dévoiler quelques détails à propos de ce que tu nous prépare?

On m’a donné une thématique, en fait. Comme le Vieille-Gare et son parc, le P’tit train du Nord, sont des emblèmes de Saint-Jérôme et que ça a inspiré beaucoup le nom du festival, on m’a demandé d’aller dans cette direction. J’ai donc fait une recherche d’images pour trouver des personnages, des vieux logos ferroviaires et des images vectorielles de trains dans différentes perspectives qui s’intégreront de manière naturelle à la thématique, tout en s’accordant bien avec mon style. Et, pour le t-shirt que je vais créer, ce sera vraiment classique de mon style, à voir encore.

Y-a-t-il d’autres projets sur lesquels tu travailles en ce moment et dont tu pourrais nous parler?

Cette année, j’ai travaillé beaucoup avec le restaurant L’Avenue. Ils ont de gros projets en vue et beaucoup de travail pour moi. C’est un contrat qui était à Scaner à la base et c’est lui qui a suggéré de me passer le flambeau. Le propriétaire est vraiment cool, il adore l’art et est très ouvert aux idées qu’on peut lui apporter. Je viens de terminer pour eux 3 étages de murales pour leur nouvelle succursale à Boucherville. Je travaille aussi sur leur enseigne qui sera en lettrage chinois, dans le style de ce que je vous ai montré tantôt.

En plus de ce gros contrat, j’ai aussi plusieurs projets avec la ville et les arrondissements. Présentement, je finalise une murale sur les Olympiques de 1976 près du Stade Olympique. J’ai travaillé jours et nuits, cet été. Ça n’arrête pas!