Sur la couverture : René Ricardo Bernal
Jusqu’au 1er septembre, Station 16 Gallery accueille “XVII – XXI”, l’exposition solo de l’artiste de rue de renom Diogo Machado, mieux connu sous le nom de Add Fuel. Durant son court séjour à Montréal pour lancer l’exposition, notre équipe a eu la chance de le rencontrer et de discuter avec lui de son parcours en tant qu’artiste, de sa démarche artistique et des éléments-clés de l’exposition.
Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours en tant qu’artiste?
Lorsque j’étais enfant, je dessinais tout le temps. Je dessine depuis aussi longtemps que je me souviens. À l’époque, c’est cet intérêt pour le dessin qui m’a poussé vers le design graphique. J’ai fait mes études dans ce domaine. Par contre, j’ai vite compris que ce n’était pas ce que je voulais faire. Alors, j’ai commencé à travailler à mon compte à créer des illustrations pour différentes marques. Je créais des t-shirts, des skateboards et d’autres trucs cool comme ça.
Crois-tu que tes études en design graphique t’ont aidé à développer ton style en tant qu’artiste?
Sans aucun doute. Ça m’a aidé à comprendre des trucs comme la structure, la composition, la typographie. Tous ces concepts de base qui sont nécessaires pour créer de belles oeuvres d’art. Tu dois comprendre la balance, l’agencement de couleurs et la composition. Ça m’a aussi appris à utiliser certains logiciels de design graphique. Alors, certainement, même si ce n’était pas exactement ce que je voulais faire, ça m’a donné les bases pour être capable de faire ce que je fais aujourd’hui.
Crédit photo : René Ricardo Bernal
Peux-tu nous en dire plus sur ta démarche artistique?
Pour moi, mon travail dans les rues et mon travail de galerie sont deux choses complètement différentes. Quand je suis dans les rues, je travaille avec de la peinture et des pochoirs. J’avais aussi déjà fait du graffiti et des tags par le passé, mais je n’étais pas bon. Par contre, ça m’a quand même donné de la confiance en moi quand j’ai commencé en tant qu’artiste. Comme j’avais déjà créer dans les rues, je me sentais plus en confiance lorsqu’est venu le temps d’afficher mon art à l’extérieur. Pour ce qui est de mon travail de galerie, j’utilise des médiums plus raffinés, comme la céramique et les tuiles.
En général, je dessine tout manuellement et je numérise par la suite. Tous les motifs, toutes les illustrations sont dessinées à la main d’abord. À partir de là, je peux recréer le dessin sur de la céramique ou le transformer en pochoir, par exemple. Je vais répéter le motif et voir si ça sort bien. Si ça me plait, je le retrace dans Illustrator. C’est important pour moi créer à la main d’abord. Si tout est fait à l’ordinateur, j’ai l’impression qu’on perds un peu du côté humain.
Tu as choisis de signer tes oeuvres ‘Add Fuel’, d’où vient ce nom?
Ça vient de l’expression “Add Fuel to the Fire”. Quand j’ai commencé à travailler comme illustrateur, comme mon nom, Diogo Machado, n’est pas très familier à l’extérieur du Portugal, je me suis trouvé un nom d’artiste qui serait plus facile à retenir. Ce nom m’a aidé à mieux faire connaître mon travail.
Ton art réinterprète le langage des tuiles de céramique portugaises ‘azulejo’, qu’est-ce qui t’a attiré vers cette forme d’art?
C’était vraiment un heureux hasard. En 2007, j’ai été invité par ma ville natale à faire un projet avec eux. À l’époque, je travaillais principalement comme illustrateur. Ce projet a été un point tournant pour moi. Je voulais créer quelque chose qui représenterait ma ville et sa culture. Les carreaux azulejo sont très caractéristiques du paysage portugais. Alors, j’ai décidé d’utiliser cet élément de tradition dans mon oeuvre, tout en incorporant des éléments plus modernes de mon propre univers, comme des références aux jeux vidéo, au graffiti, aux films de science-fiction, aux cartoons, etc. J’ai un coeur d’enfant, alors beaucoup de mon art est influencé par les choses avec lesquelles j’ai grandi à l’adolescence.
Ton art t’as permis de voyager beaucoup. Comment les différentes cultures que tu as rencontrées ont influencé ton art?
C’est, en fait, une partie très importante de ce que je fais. Même si mon art est principalement à propos des carreaux d’azulejo, un type de tuile portugais, j’essaie tout de même d’incorporer un peu de la culture locale dans le mix quand je voyage. Je recherche des motifs traditionnels de tuiles ou de textiles ou de l’imagerie typique de la place, comme une armoirie, par exemple, et j’essaie de l’incorporer à mon style portugais.
Par exemple, à Rome, il y a ces magnifiques carreaux de céramique avec des motifs géométriques et des teintes de crème et de bordeau. Ou encore, quand j’étais en Écosse, j’ai entendu parlé d’une vieille tradition où ils décoraient les entrées des vieilles maisons avec de petites tuiles. Alors, j’ai mélangé ces motifs traditionnels aux motifs des azulejos portugais pour créer une murale qui s’intègre mieux dans la culture de la ville. J’aime l’idée que ce que je fais puisse sembler familier aux personnes qui vivent dans la ville. C’est à ce moment qu’une connection émotionnelle se crée entre une oeuvre et son public.
Tu as récemment fait 2 murales dans Montréal, comment est-ce que la culture de la ville a influencé ces oeuvres?
Pour Montréal, c’était différent par contre. Pour l’exposition, je voulais amener un peu du Portugal à la ville. Ces oeuvres sont davantage des extensions de l’expo, des pièces que l’ont pourrait retrouver dans l’expo de la Galerie Station 16.
La première que j’ai faite est située sur le boulevard Saint-Laurent, au coin de la rue Rachel et l’autre est au centre-ville, au coin des rues Sherbrooke et Drummond.
Peux-tu nous en dire plus sur le concept derrière l’exposition?
Comme vous savez, le titre de l’expo est “XVII – XXI”, alors j’explore la relation entre les 17e et 21e siècles, la relation entre le vieux et le nouveau. C’est une démarche semi digitale, semi traditionnelle. De nos jours, on a une sorte de dépendance à la technologie, à la connectivité et aux médias sociaux, c’est cet enjeu que j’explore dans mon art, comme c’est une grande partie de ce qui défini le 21e siècle, selon moi. Je travaille donc un vieu médium, avec des techniques traditionnelles, tout en y incorporant des situations très modernes. Ça donne un contraste assez intéressant.
Crédit photo : René Ricardo Bernal
Quels sont les incontournables de cette exposition?
L’exposition entière est incontournable, bien sûr! On travaille là-dessus depuis près de 9 mois, alors il y a énormément de travail là-dedans. Chaque oeuvre est spéciale à sa propre manière pour moi. Chacune a sa propre personnalité et envoie un message différent.
Crédit photo : René Ricardo Bernal
Entre autres, j’aime vraiment l’oeuvre miroir, par exemple. Elle s’appelle “Selfie Mirror”. C’est tellement différent de ce que je suis habitué de faire. En même temps, l’idée de créer une oeuvre qui est faite pour que les gens puissent se prendre en photo est intéressante, selon moi.
J’ai aussi amené quelques copies du livre que j’ai auto-publié récemment. Il s’appelle Square One, comme c’est le premier que je publie. Et puis, ça fait un petit clin d’oeil à mes oeuvres de carreaux de céramique. C’est un récapitulatif de l’ensemble de mon oeuvre des 10 dernières années, toutes les murales et toutes les oeuvres de galerie que j’ai créé.
Crédit photo : René Ricardo Bernal
Y-a-t-il d’autres projets sur lesquels tu travailles en ce moment et dont tu peux nous parler?
Le mois prochain, je vais me diriger vers Denver pour le Festival Crush Walls. Ensuite, je travaille aussi en collaboration avec le musée de tuiles de Lisbonne. Ils organisent des panels de discussion à propos des tuiles au 21e siècle avec d’autres personnes qui travaillent avec ce médium et des historiens et plus. J’ai très hâte de pouvoir parler de ma vision et de mon travail.