Rares sont les fois où vous rencontrerez un artiste qui voyage à travers le monde et passe les portes des plus grands musées et des plus importantes marques, tout en gardant un respect impressionnant dans les rues. Tristan Eaton est une de ces perles rares. Après s’être fait connaître à travers ses designs de posters à Détroit, il a mené la direction artistique de Kidrobot, initiant du même coup un mouvement mondial alliant certaines légendes des scènes du graffiti et du hip-hop au design de jouets uniques.

 

Il est ensuite devenu un leader dans les milieux de la publicité et de l’art commercial, en travaillant avec des marques comme Nike, Versace, et même Barack Obama. Il a finalement tout quitté pour se concentrer sur son art et ses murales qui peuvent maintenant être admirées dans de nombreuses villes à travers le monde.

 

À l’occasion du Festival MURAL 2018, Tristan Eaton a rendu hommage à l’âge d’or de Montréal avec un visuel éclatant de type collage empreint d’imagerie pop. Maintenant, nous lançons un t-shirt en édition limitée avec son design ‘The Revolution Will Be Trivialized’. Pour célébrer cette collaboration, notre équipe l’a rencontré pour discuter de sa nouvelle murale et de sa carrière en tant qu’artiste à succès.

Photo par Julien Gagnon

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Peux-tu nous en dire plus sur l’oeuvre que tu as créé à Montréal pour le Festival MURAL?

C’est la première fois que j’ai la chance de peindre dans cette ville et quand MURAL m’a contacté, je leur ai dit que je voulais avoir un mur permanent. Je voulais faire ça en grand. Alors, quand ils m’ont montré ce mur, j’ai décidé de peindre la célèbre actrice Norma Shearer, qui est la première actrice canadienne à gagner un Oscar dans les années 30. Elle était native de Montréal et était un beau sujet à peindre avec son aura vintage de l’âge d’or. J’ai passé 4 jours et demi à peindre cette murale de 4 étages nommée “Norma and the Blue Herons” et j’espère que Montréal l’appréciera!

Photo par Tasha Prentice

Comment ton parcours en tant qu’artiste a-t-il débuté?

Je faisais beaucoup d’art lorsque j’étais enfant et par le temps où j’ai eu 18 ans, j’étais prêt à descendre dans les rues immédiatement. J’ai commencé à concevoir le design et imprimer des posters rock et des dépliants pour des raves et parties hip hop. Fun fact : je faisais aussi souvent des dépliants pour The Shelter, qui est l’endroit où la freestyle battle de Eminem a eu lieu dans 8 miles. Et, soudainement, j’avais 18 ans et je vivais de ça, j’avais déjà une mini-carrière plutôt intéressante à Détroit. Ensuite, j’ai déménagé à New York quand j’avais 20 ans, et j’ai mis la main à la pâte. J’ai peint des motos pour le DMX’s Ruff Riders qui m’a permi de paraître pour la première fois dans le magazine The Source. C’était la grosse affaire dans le temps!

Quelques années plus tard, Paul Budnitz m’est venu avec l’idée de créer des jouets de collection pour adultes et j’avais le parfait background pour l’aide avec mon expérience avec Kidrobot, pour qui j’étais le directeur créatif fondateur. Ça m’a donné une base de fans et une visibilité que je ne pensais jamais avoir dans ma vie. À partir de là, je continuais à faire du graffiti en arrière-plan et j’ai décidé de fonder ma propre agence créative, Thunderdog studios, que j’ai dirigé pendant 10 ans. J’avais aussi une carrière secrète sous un autre nom que peu de personnes connaissaient. Ensuite, il y a peut-être 6 ou 7 ans, j’ai tout quitté dans ma vie pour poursuivre avec mon propre art et ça m’a amené à faire du travail de studio et des murales.

 

Après tout ce succès commercial en design, qu’est-ce qui t’a poussé à te tourner vers les beaux-arts?

D’abord, l’art que je faisais sous mon autre nom secret se portait vraiment bien, mais j’avais l’impression de m’oublier là-dedans. C’est bizarre parce que c’était mon art en plus, mais je sentais que mon nom se perdait. Du côté design, j’ai commencé à me désintéressé. Je ne m’intéressais plus aux campagnes ou aux marques, j’étais juste désintéressé. À un certain point, ça ne m’a jamais vraiment intéressé, je voyais ça plus comme un moyen de jouer le système, de prendre l’argent et de l’utiliser pour mon art ou pour quelque chose de positif pour la communauté. Mais j’ai réalisé à ce moment-là, quand j’ai commencé à être désintéressé que la qualité avait changé. Et tout est dans la qualité, alors je savais que quelque chose devait changer. Au cours de toutes ces années, j’avais tous ces muscles différents que je pouvais contracter pour gagner ma vie pendant que mon art marinait et à ce moment, j’ai senti que c’était le bon moment pour faire en sorte que toutes les pièces du puzzle s’assemblent!

 

Alors que tu as grandis à Los Angeles, tu as aussi beaucoup été inspiré par le monde du skateboard, peux-tu nous en dire plus sur le parallèle entre le skateboard et le graffiti?

En fait, la première fois que j’ai utilisé une canette de peinture c’était dans un skatepark alors que je peignais un géant RoboCop. Il y a toujours beaucoup de graffiti dans les skateparks et les visuels sont toujours une grande partie de cette culture. Des marques comme Santa Cruz et Powell Peralta ont tous une forte identité qui a allumé mon amour pour l’art. Les deux sont de grosses subcultures qui se sont émergées dans les grandes villes au cours du dernier siècle et les deux transportent ce sentiment à la fois de destruction et de création.

 

Comment s’est passé l’expérience de concevoir des jouets pour Kidrobot et d’autres marques et comment ça t’a influencé?

Je dessinais tout le temps des personnages quand j’étais enfant, j’avais l’habitude de remplir ma chambre de petits personnages en carton et j’ai conçu mon premier jouet pour Fisher Price à seulement 18 ans, alors avec tout ça combiné à mon passé de graffeur, c’était une expérience incroyable. J’ai conçu le logo pour Kidrobot, the Munny toy et Dunny toy, qui font tous deux parties de la collection permanente du MOMA maintenant. J’agissais aussi comme le conservateur d’artistes, alors j’avais la chance de choisir des graffeurs de la vieille école comme Quik, Seen et Revolt pour faire des jouets. J’ai pu créer une communauté mondiale autour de la création de la conception de jouets et de l’art urbain et ça a été tout un honneur pour moi.

 

Tu as déménagé de New York à Los Angeles il y a plusieurs années maintenant, quelle est la différence entre ces deux scènes?

Ce que je peux dire c’est que ces deux villes ont des scènes du graffiti vraiment impressionnantes, très historiques, gangsters. Mais, aussi internationales qu’elles semblent l’être, elles ne sont pas du tout liées l’une à l’autre. Il n’y a aucun pont qui se fait entre les deux villes. Les gens seraient surpris à quel point plusieurs artistes célèbres de ces villes sont de parfaits inconnus sur l’autre côte. Quand j’ai déménagé à LA, j’ai aussi réalisé que New York a cette particularité qu’elle a beaucoup de joueurs-clé comme Jeff Koons et Damien Hirst. Mais à LA, il y a toute une nouvelle génération de personnes qui ont du succès dans l’industrie du divertissement et ils ont mon âge, alors ils sont familiers avec le graffiti et tous ces nouveaux artistes qui font de l’art urbain. C’est sentiment incroyable d’être reconnu.

 

Quels sont les prochains rêves sur lesquels tu veux travailler dans le futur?

L’un de mes plus grands rêves depuis que j’ai commencé à concevoir des jouets c’est de faire du 3D. Je suis vraiment impressionné par l’idée de combiner mon art avec des sculptures grandeur nature. J’ai déjà beaucoup de projets en cours impliquant cette forme d’art, mais rien dont je peux parler publiquement…

 

Vidéo par Chopemdown Films