Dans le cadre du Festival Mural 2018, notre équipe a eu la chance d’assister à une discussion entre l’artiste Kate Raudenbush et l’équipe de Lululemon. Invitée par MURAL, Kate a réalisé Art Blast, une sculpture trônant au milieu de la Forêt enchantée, une activation produite par Lululemon Montréal. Pour cette petite discussion, Kate était assise devant son œuvre, formant autour d’elle une auréole de couleurs, de dentelle d’acier et de jeux de lumière. Animée par Marika de chez Lululemon, la conversation a touché les hasards et les moments d’illumination qui ont jusqu’à présent dirigé l’artiste. En effet, si Kate est depuis longtemps une artiste, d’abord par le biais de la photographie, c’est la force de ses inspirations qui l’ont mené vers la sculpture.

Crédits photo: Refined Moments

L’influence de Burning Man

Ce deuxième pan artistique fut insufflé par sa visite à Burning Man. Il est vrai que cet évènement détient une aura particulière : durant près de 10 jours depuis 1986 en plein désert au Nevada, une ville se crée de toutes pièces par les festivaliers qui doivent amener tout leur matériel pour survivre. L’argent n’a plus sa place, l’électricité et l’eau sont des denrées rares, la seule règle en vigueur est celle de se prendre en charge. La fête se poursuit au travers des tempêtes de sable et le festival se clôture par un énorme feu de joie lors de la dernière soirée alors que toutes les installations artistiques partent en flammes.

C’est en 1999 que Kate a vécu sa première expérience du festival, une décision prise sur un coup de tête à 4 jours de l’évènement et qui a chamboulé sa vie. Munie de son appareil photo, elle a vécu ses cinq premières éditions derrière son objectif. Au bout d’un moment, la documentation de Burning Man ne lui suffisait plus. Cette révélation lui est venue lors d’une soirée où le noir était de mise. Alors que tous les festivaliers étaient en noir et avec des blacklights en guise de seule source de lumière, un homme masqué, vêtu de blanc contrastant avec la scène est apparu de nulle part et lui a simplement dit « come with me ». C’est à ce moment que Kate a senti que son appareil photo était de trop et l’a tout simplement lâché pour ne plus le reprendre. Elle souhaitait faire partie de ceux qui créent une expérience et non plus de ceux qui la documentent.

L’année suivante, soit en 2004, Kate a présenté sa première sculpture au festival. Intitulée Observer’s Observer, l’œuvre se présentait comme une grande structure montée par des miroirs teintés. Les festivaliers pouvaient trouver le passage à l’intérieur-même de l’œuvre. Ils se retrouvaient alors dans une voûte de l’autre côté des miroirs et pouvaient ainsi observer les autres participants.

Par son énergie et par la manière dont Kate décrit ses œuvres, il est évident qu’elles ne sont pas que sculpturales. Fervente de yoga et de médiation, sa pratique artistique est également spirituelle. Selon elle et au risque d’être cliché, l’art permet d’entrer en dialogue avec qui nous sommes vraiment.

Ses débuts dans le monde de la sculpture

Néanmoins, alors que la première idée d’une sculpture en acier coupée lui vient, c’est-à-dire une spirale de plus de 40 pieds de haut, Kate explique en riant qu’elle n’était qu’une photographe et qu’elle n’avait pas la moindre idée comment construire ces structures! Après avoir consulté une amie architecte, celle-ci lui affirme que si elle désire vraiment construire cette spirale, il est impératif qu’elle apprenne la soudure! Ce qu’elle a fait en moins de deux, démontrant une forte ténacité. L’artiste a élaboré sur l’importance de toujours se mettre au défi, cette complexité perpétuelle nous permet de continuellement nous renouveler.

Son oeuvre Art Blast

Art Blast est le résultat du dernier défi que l’artiste s’est elle-même imposé. En effet, elle a présenté à MURAL sa toute première œuvre utilisant de l’acier peint. Inspirée par MURAL, Kate a recréé le mouvement de peinture aérosol, comme s’il était possible de figer dans l’espace la peinture en pleine projection. La cannette de peinture s’appuie même sur la peinture en mouvement qui est représentée par 3 cônes colorés s’emboîtant les uns dans les autres. Faite de panneaux d’acier découpés, la peinture s’étiole comme une fleur de dentelle. À deux jours de son départ pour Montréal, Art Blast n’était toujours pas peinte! Il faut savoir que son studio est étrangement situé à Brooklyn, entre des rails de chemin de fer et un biergarden, autant dire que les graffitis sont omniprésents. Alors que le stress commençait à bien s’installer pour peindre l’œuvre, voilà un artiste qui passe en coup de vent et qui cherche à sauter la clôture pour de toute évidence aller taguer l’un des wagons de train. Rapide comme l’éclair, Kate l’arrête de justesse et lui propose plutôt de peindre sa sculpture au lieu de peindre un wagon (de manière illégale). C’est ainsi que l’œuvre fut peinte la veille du départ de 10 h 30 à 1 h du matin par un artiste du nom de Mr. Werd qui a utilisé 30 cannettes de Montana Gold.

Sa plus grande fierté

Alors que l’insertion de couleurs marque une prochaine étape dans son travail, l’œuvre dont Kate est la plus fière est celle qu’elle a elle-même brûlée avec des feux d’artifice (la totale et sans demi-mesure). Helios fût présenté à Burning Man en 2016 et c’est à cette occasion que Yan Cordeau, le directeur artistique de MURAL, a découvert le travail de Kate. Installés en plein cœur du désert, 6 plateformes à 12 pieds du sol formaient un hexagone. Au centre, les festivaliers étaient invités à écrire les éléments qu’ils souhaitaient illuminer en eux et à déposer ces mots dans un réceptacle. Suite à cela, 6 personnes devaient monter sur les plateformes et prendre position jambes et bras écartés. Lorsque les 6 personnes étaient en place au même moment, des faisceaux lumineux étaient projetés vers le centre. Au croisement de ces rayons, un 7e faisceau s’élevait du réceptacle pour se perdre dans le ciel. Encore aujourd’hui, Yan parle d’Helios comme d’une installation inoubliable. Kate n’a pas versé de larmes lorsque l’installation est partie en flammes, c’est seulement au moment d’insérer les feux d’artifice dans le réceptacle rempli des pensées les plus intimes des participants qu’elle a été profondément émue. Avec beaucoup d’humilité, Raudenbush nous explique qu’elle a réussi à créer un rituel autour d’Helios, un véritable moment de recueillement pour ceux qui y ont participé.

Crédits photo: Refined Moments

Ses projets futurs

C’est avec une voix chargée d’émotions que Kate nous a expliqué son prochain projet. En avril dernier, Larry Harvery, l’un des cofondateurs du festival, est décédé. Sa mort a plongé toute la communauté entourant Burning Man dans un important deuil. Pour l’édition 2018, Kate présentera donc une installation en l’honneur de cet ami et mentor. Parfaitement alignée avec les astres, la sculpture reproduira l’ampleur de cette ville éphémère sortie du désert. Tous les jours, l’installation s’activera par le lever du soleil, symbolisant Harvey marchant vers le soleil. Les cendres de la sculpture s’envoleront évidemment vers le ciel à la toute fin du festival. C’est un projet émotionnellement chargé pour l’artiste qui ne désire pas moins que la perfection pour cette œuvre.

 

Alors que Kate nous expliquait cette prochaine installation, j’ai souhaité à tous (y comprit moi-même) d’avoir la chance de vivre l’expérience d’une de ses œuvres de cette envergure. En ce vendredi après-midi sous les arbres du Parc du Portugal, nous avons eu droit à une superbe conversation avec une artiste inspirée et surtout inspirante. Une discussion de plus d’une heure qu’elle a conclu par un conseil : « Don’t be afraid to be afraid ». Kate Raudenbush est une artiste dont la carrière est en plein essor, mais qui a su garder toute son humanité et humilité pour notre plus grand bonheur.