Alors que l’exposition d’art urbain Surfaces s’organise tranquillement, en collaboration avec Lndmrk, A’shop, Artgang, MASSIVart, MU et Under Pressure, dans le Quartier des spectacles du 23 août au 28 octobre, l’artiste canadien Zoltan Veevaete, en collaboration avec le collectif MTLIGHT, prépare une vidéo-projection à la rencontre entre l’art numérique et urbain sur l’édifice John F. Kennedy de l’UQAM.
Pour l’occasion, notre équipe est allé à sa rencontre pour discuter avec lui de son processus créatif.
Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours en tant qu’artiste? Comment es-tu passé de graffeur à peintre?
C’est une très longue histoire, une histoire qui a commencé avec une famille d’artistes qui m’a toujours encouragé à explorer le milieu des arts. Dès l’adolescence, je prenais des canettes dans l’atelier à mon père et je partais faire du graffiti avec des amis.
À l’époque, mon père se doutait bien que je m’attirais des ennuies, alors il m’a acheté des pinceaux et du matériel d’artiste, ainsi que deux livres sur Diego Vélasquez et Leonard De Vinci. C’est comme ça que je suis tombé en amour avec la peinture à l’huile et ça a transformé ma vision du graffiti. J’ai tout de même continué à en faire, mais j’essayais de questionner davantage ma démarche vis à vis cette forme d’art. J’avais alors une approche plus conceptuelle où je souhaitais faire participer le mur, en y peinturant des oreilles (les murs ont des oreilles) ou des urinoirs.
Puis, je suis parti en Espagne pour étudier par moi-même les maîtres espagnols. À mon retour, je me suis inscris à Concordia pour approfondir mon vocabulaire artistique. À ce moment-là, j’ai un peu délaissé l’art urbain pour me reconcentrer sur la peinture. J’ai me suis alors développé un nouveau style, un peu post-moderniste, où je mélangeais les genres et les différentes époques de l’histoire de l’art pour créer quelque chose de nouveau, de contemporain. Puis, j’ai été repêché par la Galerie Robert Poulin.
Quelle est ta position face à la création d’oeuvres d’art dans la rue versus en galeries?
Je pense que la création dans la rue c’est important, parce que c’est une réappropriation de l’espace public. En tant qu’artiste, je pense qu’on a la responsabilité de communiquer autre chose que de la publicité, qui envahit de nos jours l’espace public. L’idée est de créer un dialogue avec le spectateur dans la rue et de lui faire réfléchir à d’autres aspects de l’art visuel, que ce soit pour autre chose que de lui vendre un produit.
Pour continuer mon histoire, je trouvais que mon approche manquait de substance à l’époque, alors j’ai décidé de changé mon approche picturale et de quitté la galerie pour laquelle je travaillais. Je voulais aller chercher plus dans la théorie, je me suis donc inscrit à la maîtrise à l’Université d’Ottawa.
Entre temps, j’ai aussi eu la chance de faire une murale en 2014 pour le Festival MURAL. Donc, j’ai gardé cet engouement pour la murale extérieure, le gros format, et, en même temps, je requestionnais la possession l’objet d’art en tant que tel dans une galerie ou chez soi.
“Le futur est ici” par Zoltan, créée dans le cadre du Festival MURAL, en 2014.
Parlant de l’oeuvre que tu as fait dans le cadre du Festival, peux-tu nous en dire plus sur les thématiques que tu explorais?
Je suis un grand amateur de films futuristes des années 1950. J’aime bien les scénarios dramatiques. Cette oeuvre-là fait office d’affiche de film. Elle est basé sur un film d’Ed Wood, Plan 9 from Outer Space, qui est l’histoire d’extra-terrestres qui viennent sur Terre pour nous prévenir de ce qui va arriver dans le futur, qu’après avoir inventé la bombe atomique, nous inventerons la bombe solaire que tout l’univers et tous ses peuples en subiraient les conséquences. C’est un peu un “wake-up call”.
“Cut Copy Paste”, technique mixte sur toile 3’\4’, 2015.
“Bitume Fumant”, Technique mixte sur toile, 5’\6’, 2014
Ton travail est très inspiré de la peinture classique et fait référence à plusieurs époques à la fois, peux-tu nous en dire plus sur tes inspirations et l’univers qui entoure tes oeuvres?
Mon style à beaucoup évolué. Au courant des années 2010, mes oeuvres étaient inspirées beaucoup par l’art européen, tel que celui de Picasso ou de l’expressionnisme allemand, avec quelques touches d’art plus contemporain, comme celui de Basquiat, par exemple. J’utilisais alors un mélange de plusieurs styles et d’époques. Je le fais encore, mais de manière moins apparente, plus naturelle.
Je m’intéresse surtout à la question de comment l’être humain traite l’image à travers les époques et comment les artistes ont utilisé l’image pour s’accaparer certains concepts. De plus en plus, je travaille avec le digital, parce que je pense qu’on a vraiment la culture de nos outils. Par exemple, au temps de l’impressionnisme, les outils de l’époque permettaient d’aller peindre dehors et c’est ce qui a marqué les oeuvres faites durant cette période. Alors, maintenant, j’essaie d’utiliser un hybride d’outils digitaux et matériels dans ma démarche artistique.
Tu as d’ailleurs organisé cette année le “mapping” de la murale de Sandra Chevrier pendant MURAL. Est-ce que c’est quelque chose que tu vas explorer plus dans l’avenir?
Oui, en fait, ça fait partie de mon requestionnement à savoir si la matière influence les idées ou si plutôt les idées influencent la matière. Dans le cadre de ma maîtrise à l’Université d’Ottawa, j’ai décidé de sortir plus de ma zone de confort et d’explorer de nouveaux outils, de m’éloigner du canevas traditionnel. Je veux créer un pont entre l’art numérique et la peinture.
Je fais d’ailleurs partie d’un nouveau projet de collectif qui s’appelle MTLIGHT. Notre collectif a débuté ses activités avec justement le “mapping” de Sandra Chevrier et d’Axe durant le Festival MURAL. L’idée est de donner une deuxième vie aux murales en les animant durant la nuit et c’est d’ailleurs avec ce collectif que j’organise la vidéo-projection qui aura lieu dans le cadre de l’expo Surfaces.